Dans les années 1300 – 1310 : La lèpre à Perpignan (66000)
Chassée dans un premier temps par la construction du couvent des dominicains, la léproserie (ou maladrerie) était installée sur les pentes du Puig Sant Jaume (Saint-Jacques), appelé alors ‘colline des lépreux’, qui constituait à la fois le territoire des prostituées de Perpignan et le quartier juif, appelé Le CALL. Celui-ci, composé d’une centaine de familles, s’était enfermé autour des rues de l’Académie et de St-Joseph, le long de la rue Saint François de Paule où se trouvait la porte principale. La léproserie était une installation qui s’avérait provisoire car ce lieu était menacé par les ambitions de la corporation des tisserands qui voulait s’y implanter. On parlait désormais de la route de Canet comme futur site.
La maladrerie de Perpignan n’était pas un hôpital à proprement parler ! On y trouvait tous ceux qui devaient être mis à l’écart de la société[1] : les pestiférés, mais aussi avec eux, tous les malades porteurs de vieux ulcères, de gale et même de syphilis. La léproserie de Perpignan était davantage un asile qu’un hôpital. Les malades y étaient parqués plutôt que soignés. Quelques cabanes qui, au départ, devaient être individuelles mais qui, très vite en raison de l’afflux des nouveaux malades entrant de la Terre Sainte et des croisades, devinrent des mouroirs. Le Puig Saint Jacques était alors un quartier populaire où les petites gens côtoyaient les exclus.
Les victimes de cette maladie étaient dépistées par des « experts », tous membres de l’église catholique, à partir d’observations effectuées sur les malades. Ainsi, la couleur de la peau et l’étendue des desquamations ou des plaies, la nature de l’urine, l’aspect léonin [2]de la face, une voix éraillée, la couleur de la racine des cheveux arrachés de la tête, devaient permettre de déceler les premiers symptômes de la maladie.
Il faut préciser que les experts les plus sérieux affirmaient que la lèpre se transmettait par l’haleine et les postillons. D’autres supputaient que les causes de la maladie étaient inconnues et souvent attribuées à des raisons pour le moins singulières : aliments trop chauds, ail, et même intervention divine. D’où le rôle de l’église qui prit l’initiative de choisir comme principe de prévention la notion de contagion telle qu’elle était décrite dans l’ancien testament [3]: identifier la maladie, isoler la personne impure en l’excluant de la communauté, bruler ses vêtements, nettoyer les objets qu’ils touchaient et les habitations où ils avaient vécus.
En ce début de siècle, la crainte de la contagion avait été plus forte que les sentiments de pitié et les élans de solidarité qui étaient nés chez les personnes non touchées par le fléau. Heureusement que la charité continuait à fournir aux pauvres malades le strict minimum pour survivre mais ils étaient devenus, au fil du temps, un objet d’horreur, de dégout et même de haine. Déclaré lépreux, le malheureux était condamné par sentence à la séquestration. Alors l’église avait institué des cérémonies pour séparer les lépreux du monde, et ils les instituèrent « civilement morts ». Une effroyable cérémonie suivait la sentence.
Une messe de Requiem, à genoux sous un drap mortuaire, le lépreux assiste vivant à ses obsèques, après lesquelles il est conduit en procession à la maladrerie, son dernier asile. Là, une nouvelle cérémonie l’attend. Agenouillé, on verse sur sa tête une pelletée de terre et il s’entend dire qu’il est « mort au Monde ». Après-quoi, on l’oblige à laisser pousser sa barbe et on l’habille d’une robe de ladre de couleur vive, bien visible de tous pour que l’on puisse le distinguer à première vue, des sandales, une crécelle pour prévenir ceux qui se trouveraient sur son chemin, des gants sans lesquels il ne peut rien toucher, un barillet[4], une écuelle de bois et une panetière[5].
On lui fait la lecture des prescriptions relatives aux lépreux.
« Défense d’entrer dans une église, un couvent, un moulin, une taverne, défense d’aller dans une foire ou dans un marché, défense de sortir non chaussé et sans habit de ladre et sans faire entendre sa cliquette tous les cinq ou six pas, défense de se laver ou de boire ailleurs qu’à son puits et avec son écuelle, défense de toucher à quelque chose avant de l’avoir achetée, défense d’acheter du vin autrement qu’en le faisant verser dans un barillet, défense de parle à quelqu’un sans se mettre sous le vent, défense de circuler dans les ruelles et dans les chemins étroits, défense de manger et de boire en compagnie sinon d’autres lépreux et autrement qu’avec son écuelle ».
Après quoi le prévôt, suivant les directives du Roi, était sans pitié. Les règlements de police ou ordonnances municipales sont, pour eux, particulièrement sévères. Sous peine d’avoir à subir des sévices corporels des plus brutaux, on leur interdit l’accès des maisons, des lieux publics, voire même des quartiers ou de la ville entière, sauf à certains jours, eux qui ne peuvent vivre qu’en sollicitant la charité publique.
Quoi d’étonnant, dans ces conditions, que les lépreux (et ceux qui étaient susceptibles de l’être) n’en soient venus à former comme une caste de parias, qu’aigris par la misère ils aient ressenti une haine violente contre cette société qui les avait chassés, et qui, au moindre soupçon, les pendait ou les brulait sans pitié, car ils subissaient le même sort que les hérétiques.
Après-quoi, s’ils n’étaient pas assez riches pour payer leur séjour en ladrerie on les abandonnait à la charité publique !
Nota :
Synthèse de publications tout à fait dignes de foi !
Mot clef que le lecteur ne trouvera pas dans le texte : CORONAVIRUS
AUTHIER, Jean-Pierre
Auteur de « l’Espion Catalan » paru chez T.D.O Editions –Juin 2019-
[1] L’expression « être au banc de la société » n’apparait qu’au début du XVIIIème siècle.
[2] Déformation de la face.
[3] La bible. Lévitique 13,45. Dieu aurait parlé à Moïse en lui décrivant la maladie et la manière de purifier le malade.
[4] Petit tonneau.
[5] Sac.
One Response
Bonjour Jean Pierre
Les lépreux « sous hommes déclarés » . L’église avait une idée particulière de la charité . Discrimination te voilà . Nous n’inventons rien .
Aujourd’hui , force est de constater qu’elle se nettoie le postérieur . Comme quoi la puissance divine n’est pas si puissante que cela. Bref nettoyons devant notre porte le plus souvent possible les odeurs disparaîtront . Je continue ma lecture . Tes conférences seront utiles pour certaines asso. dont je vais me rapprocher . S’agissant de la Gendarmerie , je m’aperçois que « dans la gendarmerie les gendarmes ne ….rient pas » . Idem ailleurs. Problèmes de générations . Certainement enfants petits enfants etc spectre assez large où naissent quelques prémices.